Les dangers de la violence conjugale sur les enfants
Dans le cadre de son action « L’exemple, c’est nous », Yapaka lance un spot télévisé pour attirer l’attention de tous sur les dangers de la violence conjugale sur les enfants.
Il faut rappeler qu’au cours de leur vie, entre 15% (données belges [1]) et 20 % (données européennes[2] ) des femmes rencontrent la violence conjugale. Outre les effets destructeurs sur elles, cette violence a également des conséquences graves sur les enfants ; ceci est moins connu.
Comme le souligne Maurice Berger[3], pédopsychiatre , « un bébé dont la mère est frappée alors qu’elle le porte dans ses bras se vit comme un bébé tapé ». Plus âgé, l’enfant souffre également.
Les experts ont ainsi pu mettre en corrélation la violence conjugale avec de nombreux troubles somatiques, troubles émotionnels et psychologiques (anxiété, angoisse, dépression, troubles du sommeil, de l’alimentation, syndrome de stress post traumatique), troubles du comportement (agressivité, violence, baisse des performances scolaires, désintérêt ou surinvestissement scolaire, fugue, délinquance, idée suicidaire, toxicomanie...), troubles de l’apprentissage, symptômes physiques et cognitifs.
Au-delà de cette campagne, il revient à tous les adultes de veiller à protéger les enfants et à venir en aide aux parents en prise avec leur propre violence.
Ce spot sera diffusé sur toutes les chaînes télé dès le 25 octobre prochain et sur Internet
POUR EN SAVOIR PLUS
La violence conjugale, une maltraitance pour l’enfant ...
Peu d’adultes ont conscience que la violence conjugale atteint l’enfant même s’il n’en est pas le destinataire direct. Or, qu’il s’agisse de coups ou des mots, la clinique montre que l’enfant qui vit dans un environnement de violence conjugale est en grande souffrance. Exposé malgré lui à un processus d’intériorisation de la violence, il est mis en difficulté dans son développement.
L’enfant se construit en référence au modèle adulte
Les enfants se développent à partir de ce que nous, adultes leur transmettons. La valeur du modèle familial d’abord ; social ensuite participe à socialiser l’enfant, à le civiliser. L’enfant qui apprend la loi du plus fort n’apprend pas à intégrer les limites, à différer son besoin, à tolérer la frustration pour accéder à des expériences relationnelles positives. La violence comme modèle relationnel bannit le respect de l’autre dans sa différence et se fonde sur le passage à l’acte au détriment de la parole. Dans ce modèle, l’enfant n’apprend pas à mettre de la distance entre ses émotions et leur expression.
A l’inverse, faire l’exercice de la frustration nécessite de mettre des mots et un cadre éducatif structurant, cohérent et continu. La qualité des relations affectives solides, soutiennent l’apprentissage de cette capacité.
L’impact de la violence conjugale est dommageable pour l’enfant de tout âge.
Dès le plus jeune âge, des traumatismes relationnels découlent d’un attachement précoce défaillant, désorganisé et à forte composante de stress.
L’impact est en effet d’autant plus fort que l’enfant est jeune et qu’il ne dispose pas de mécanismes de défenses psychiques et physiques pour y faire face. Cette impuissance l’enferme dans une position de sauvegarde qui mobilise toute son énergie au détriment de sa construction ; un enfant de moins de deux ans ne fait pas la différence entre la violence subie par son parent et la violence directe à son encontre.
Un enfant plus grand qui peut par exemple repérer les signes avant coureur d’une scène, se réfugier dans sa chambre ou intervenir pour tenter de l’enrayer voire faire appel à quelqu’un, est également atteint dans son développement. Malgré le rôle plus actif qu’il joue, il ne peut se départir de la sidération : aspiré entre la violence totalitaire d’un parent et l’impuissance de l’autre, il expérimente une impuissance découlant d’un mode relationnel pathologique. Ecartelé entre ces deux pôles, l’enfant ne pourra faire l’expérience de l’ambivalence et de l’altérité nécessaire à son développement.
Troubles somatiques, troubles émotionnels et psychologiques (anxiété, angoisse, dépression, troubles du sommeil, de l’alimentation, syndrome de stress post traumatique), troubles du comportement (agressivité, violence, baisse des performances scolaires, désintérêt ou surinvestissement scolaire, fugue, délinquance, idée suicidaire, toxicomanie...), troubles de l’apprentissage, symptômes physiques et cognitifs apparaissent mais peuvent également rester masqués et resurgir à un moment donné. Une faible estime de soi, une image négative font également partie des conséquences qui entacheront les relations adultes.
La qualité de la relation avec la figure d’attachement principale (généralement la mère) peut réduire les retentissements et leur intensité sur l’enfant.
La préoccupation parentale est paralysée par la violence.
Nouée au contexte chaotique, imprévisible, la défaillance parentale porte tant du côté du parent agresseur que du parent agressé ; généralement les deux figures d’attachements ne sont pas sécurisantes. Or pour grandir, l’enfant prend appui sur ces figures comme modèle d’identification.
Du côte de la mère (souvent le parent agressé), sa disponibilité, sa capacité d’adaptation à son enfant seront réduites par l’emprise qu’elle vit et le climat de terreur. Surmonter la violence ou s’y adapter, souvent dans une grande solitude, mobilise alors toute son attention au détriment de celle qu’elle peut accorder à son enfant. Celui-ci perçoit le climat de tension et de peur par contagion des émotions maternelles.
La violence présente dans la sphère conjugale s’étend logiquement à la sphère parentale. Un père qui frappe sa femme devant son enfant oublie toute compétence parentale. Il perd toute capacité d’empathie et d’identification à son enfant. Pour ce dernier, le parent agresseur, figure d’attachement secondaire, revêt une figure effrayante et instable.
Aider le parent pour protéger l’enfant.
Expliquer au(x) parent(s) ce que l’enfant vit permet généralement de lui (leur) faire entendre la souffrance de l’enfant. Car, pris, entre autres, dans le secret et la honte de la violence, ces parents ne sont généralement pas demandeurs d’aide. Le processus de la violence s’installant au jour le jour, chacun s’y adapte, repoussant les limites du tolérable à demain voire au jour « où il s’en prendra à l’enfant ».
Le vécu infantile imprègne les relations adultes, les représentations homme -femme. Pour s’en départir, une mise à distance, une mise en mots est nécessaire notamment par un travail thérapeutique. Amener le parent à comprendre la part d’enfant en lui est alors une étape nécessaire pour l’amener à prendre en compte la souffrance de son enfant dans l’actualité de la violence conjugale.
[1] "Les expériences des femmes et des hommes en matière de violence psychologique, physique et sexuelle", rapport 2010, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
[2] Annuaire Eurostat, le guide statistique de l’Europe
[3] Interview de Maurice Berger, Professeur et Chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Etienne, France parue dans « La Gazette », n°12, juin 2008
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