Malgré une forte mobilisation du secteur dans les médias suite à la grève sans précédent (dans sa durée)
des agents pénitentiaires, le recours à l’armée comme “soutien humanitaire” est désormais devenue la
réponse sans appel d’un gouvernement et d’un système que le débat de fond dérange. Evoquer la
nécessité d’un soutien humanitaire dans les prisons, c’est démontrer l’absence d’une politique
pénitentiaire cohérente.
Cette soudaine préoccupation pour la situation humanitaire ne doit pas faire
oublier non plus que la Belgique a déjà été plusieurs fois condamnée pour ses conditions de détention
qualifiées de traitements inhumains et dégradants. Des conditions et des politiques pénitentiaires
régulièrement dénoncées aussi par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT). La Belgique
n’a apporté qu’une réponse formelle au dernier rapport daté de 2013, sans opérer un changement
significatif dans la pratique.
Derrière la situation actuelle dans les prisons, c’est le système carcéral et la politique répressive qui,
structurellement, sont en crise. Les différentes réformes en cours (pots pourris) ne vont pas permettre,
comme annoncé, de résoudre le phénomène de surpopulation carcérale, ni de respecter les principes et
objectifs (réinsertion, réparation, réhabilitation) de la loi pénitentiaire adoptée en 2005 mais que très
partiellement entrée en vigueur. L’augmentation de la capacité carcérale à travers la construction de
nouvelles prisons, prévue dans le master plan III n’aura pas d’incidence majeure sur la surpopulation
carcérale : l’histoire nous enseigne que plus on construit de prisons, plus on crée de détenus.
Cette
politique expansionniste ne tient pas compte de l’échec de la prison. Elle engendre des coûts sociaux et
financiers énormes comme le rappelle le CPT qui indique que l’emprisonnement est, par principe, bien
plus onéreux que des mesures alternatives. Rappelons, à titre d’exemple, que le projet de construction de
la méga prison de Haren dépasse les 3 milliards d’euros sur 25 ans.
Il nous paraît aujourd’hui que la seule réponse censée consiste dans la transformation des conditions de
détention et dans la mise en place d’une politique résolument réductionniste qui implique une réelle
application du principe de subsidiarité : faire de la privation de liberté l’ultime remède. Les mesures
proposées ici n’ont de sens que si elles sont insérées dans ce cadre.
En attendant une réforme en
profondeur du code pénal qui date du 19ème siècle dans une perspective de
dépénalisation/décriminalisation, plusieurs pistes sont déjà possibles :
étendre les grâces ;
réduire
drastiquement le recours à la détention préventive ;
promouvoir des peines alternatives dans une véritable
perspective d’évitement du recours à la prison ;
soigner les personnes internées dans des structures
hospitalières adéquates ;
appliquer la loi pénitentiaire (et donc les droits des détenu(e)s qui en découlent)
et
construire une véritable politique de réinsertion en conférant aux services et associations d’aide aux
détenu(es) les moyens suffisants pour garantir leurs missions.
Enfin, dans une perspective de long terme, nous soutenons la désignation d’un comité d’experts, tel que
préconisé par la Cour des Comptes, auquel seraient associés des membres de la société civile, et ayant
pour but de repenser la politique pénale et carcérale de manière globale.
Nous lançons donc un appel à rassemblement pour dénoncer le désastre carcéral et demander la mise
en œuvre d’une autre politique pénale et carcérale. Ce rassemblement s’adresse aux acteurs
professionnels, aux personnels pénaux et pénitentiaires, aux familles et proches de personnes
incarcérées, à la société civile, aux citoyens. Nous porterons ensemble ces revendications et
rappellerons avec fermeté au gouvernement que la personne incarcérée reste un être humain sujet de
droit : « qui n’est soumis à aucune limitation de ses droits politiques, civils, sociaux économiques ou
culturels autres que celles qui découlent de sa condamnation pénale » (article 6, loi pénitentiaire de
2005).
Signataires : Progress Lawyers Network, Bruxelles Progress Law, Bruxelles Laïque, Ligue des droits de
l’Homme, OIP, Plateforme pour sortir du désastre carcéral et contre la méga prison de Haren, Syndicat
des avocats pour la démocratie, le Centre d’action laïque communautaire, Culture et Démocratie
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