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      "Etre consommé"
    Critique du libéralisme
    par William Cavanaugh, éd. l’Homme Nouveau, 164 pages

présenté par Jérémie BRASSEUR dans le Journal Dimanche du 13 janvier 2008

Un jour, un jeune théologien catholique américain (45 ans), marié et père de trois enfants, a eu la curiosité de s’interroger sur la façon dont étaient fabriqués les vêtements qu’il portait. Une enquête qui l’a mené à réfléchir sur l’immoralité du "libre marché" et sur la réponse catholique au modèle consumériste ambiant.

L’effet pervers de la mondialisation, explique William Cavanaugh, c’est qu’elle prive le consommateur d’informations qui seraient à même de le guider dans le choix des produits qu’il achète.

Si nous en savions plus sur la viande bovine fournie à bas prix par l’agrobusiness, si au moment de faire l’acquisition d’une paire de baskets, nous avions en face de nous le visage de ces gens qui se tuent littéralement au travail pour les fabriquer, aurions-nous le cran de participer à la mécanique consumériste qui caractérise nos sociétés modernes ?

William Cavanaugh développe une réflexion théologique sur le "libre marché" à la lumière des écrits de saint Augustin. Il critique la conception que nous nous faisons de la liberté, souvent perçue comme une absence de contrainte. Cette définition par la négative, explique le théologien, n’est pas suffisante. Le drogué, donne-t-il en exemple, est-il libre de se droguer ? Pour l’homme, la liberté vient plutôt d’être orienté vers sa vocation propre, d’être porté à développer son humanité.

Pensée paradoxale

Dans les relations de libre-échange, cela implique les conséquences suivantes : le travailleur libre n’est pas forcément celui qui "choisit" de mettre ses forces au service de telle entreprise. Peut-on parler de liberté de choix, vraiment, entre un emploi sous rémunéré et la misère totale ? William Cavanaugh soutient que seul est respecté le libre arbitre du travailleur dont l’humanité est prise en compte. Il évoque des mécanismes qui vont à contre-courant de l’implacable logique libérale : notamment les organisations de commerce équitable, qui lui sont chères.

Le théologien surprend le lecteur par la remise en question d’idées reçues, ce qui permet de pousser plus loin la réflexion. Il conteste notamment l’idée selon laquelle le consumérisme de nos sociétés serait caractérisé par un attachement exacerbé aux biens matériels. Il soutient au contraire qu’il faudrait parler d’un détachement. Nos relations avec les biens matériels deviennent de plus en plus éphémères. De plus en plus souvent jetables ou frappées de péremption, les marchandises nous laissent insatisfaits et nous poussent à consommer sans cesse des choses nouvelles.

Consommateur consommé

L’économie moderne fonctionne grâce à cette insatisfaction, qui nous incite à nous défaire des biens que nous avons achetés pour en acquérir d’autres. Paradoxalement, on trouve un socle commun entre le consumérisme et le christianisme. Les deux systèmes de pensée prônent le détachement mais alors que le premier cultive notre inatisfaction naturelle pour nous pousser dans un processus de consommation effréné, le second tend à nous orienter vers Dieu, qui seul peut nous combler. En effet, explique le théologien américain, dans la logique de l’eucharistie, notre insatiabilité est retournée. En recevant l’hostie, nous consommons tout en étant consommé (c’est-à-dire intégré - et non pas désintégré - dans un Corps infiniment plus vaste, celui du Christ ressuscité).

Le livre de William Cavanaugh fourmillant d’exemples concrets, s’avère d’une richesse conceptuelle propre à nourrir longuement la réflexion des chrétiens.