Directions des prisons
 
   
Avis favorable du directeur relatif au congé pénitentiaire
La conclusion de l’avis du directeur de la prison d’Andenne
Demande de permission de sortie
Refus de la permission de sortie
Complément à l’analyse du refus ministériel de permission
Analyse du refus de la permission de sortie du 22 août 2014
Nouvel avis favorable du directeur concernant le congé pénitentiaire de Farid B.
     
   
   
 
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Farid Bamouhammad : une figure emblématique
     
   

 
      Demande de permission de sortie
    Avis favorable du directeur de la prison d’Andenne
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Service Public Fédéral - SPF Justice

FARID BAMOUHAMMAD - Demande de permission de sortie - Avis favorable

La formule de demande de permission de sortie que j’utilise ici n’est certes pas traditionnelle. Mais le dossier de Farid Bamouhammad ne l’est pas non plus. Le remplissage des cases d’un formulaire pré-imprimé n’ayant d’autre intérêt que de satisfaire à une procédure administrative, ne commettons pas l’erreur de confondre l’outil et l’objectif poursuivi.

Tout, absolument tout, a été dit et écrit à propos de Farid BAMOUHAMMAD.

Pour ce qui nous concerne, nous renvoyons le lecteur à notre avis favorable à l’octroi de congés pénitentiaires du 23 avril 2014. Ce que nous sommes en mesure d’écrire aujourd’hui dans le cadre de la présente demande de permission de sortie s’y trouve déjà.

-  Le refus de ces congés a été motivé par des éléments ayant trait à la normalisation du régime de détention de F. Bamouhammad et à sa façon d’y adapter ses comportements sur un terme suffisamment long, considérant qu’il y aurait là une indication quant à sa capacité à renouer un contact sans accroc avec le monde extérieur.

Considéré de la sorte, le concept de normalisation est totalement hors propos dès lors que, depuis des années, un régime spécifique est réservé à l’intéressé, souvent, sur la base de sa propre demande relayée par ses avocats et avalisée par la direction générale.

Ce n’est d’ailleurs pas en termes de normalisation mais bien de stabilisation des conditions de détention (dans le sens de l’humanisation exigée par la loi de principes de 2005) que s’est exprimée la Cour d’Appel de Bruxelles dans sa décision du mois de décembre 2013 reprenant dans sa totalité le dispositif du jugement rendu en première instance.

Enfin, dans la perspective de l’individualisation de l’exécution de la peine, c’est bien dans le sens de l’humanisation que le régime proposé à Andenne a été mis en place.

-  Considérer, comme le fait la DGD, que prolonger la détention permettra de mieux évaluer les capacités de M. Bamouhammad à vivre en société entre également en contradiction totale avec l’ensemble des avis des intervenants ayant approché l’intéressé avec un oeil, voire une mission d’expertise.

Pour ne citer que les avis les plus récents, nous attirons l’attention sur :

-  1. Le rapport psychosocial approfondi déposé par le SPS de Jamioulx en décembre 2012 concluant que « l’octroi de sorties ou de congés reste une étape préliminaire indispensable. Des congés paraissent plus opportuns que des permissions de sortie. »
-  2. Les avis favorables aux PS, CP et SE rédigés successivement par les directions de Jamioulx (2012), Nivelles (2013 et 2014) et Andenne (2014)
-  3. La décision du TAP BXL de mars 2013 insistant sur la nécessité de passer par des congés pénitentiaires avant d’être en mesure de décider de l’octroi d’autres mesures d’élargissement.
-  4. L’avis psychiatrique rendu le 23.09.13 par le Dr J.P.B. à la requête de la Cour d’Appel de Bruxelles précisant que ses conditions d’incarcération favorisent une rumination paranoïde qui occulte ses pensées et qui risquent de déboucher sur un état dépressif ou des passages à l’acte explosifs.... On ne peut donc que caractériser de négatif l’impact qu’a sur l’’intéressé la politique de transfèrement systématique. S’il existe des raisons à cette politique, elles ne doivent rien au souci de l’état de santé de l’intéressé.
-  5. Le rapport d’expertise du Dr A.M. déposé le 30 mai 2014, stigmatisant d’une part l’impact déplorable de la détention sur l’état psychique de Monsieur Bamouhammad et la nécessité de dégager un espace spécifiquement psychothérapeutique en vue d’une reprise élaborative des problématiques,..., un tel travail ne pourra cependant être mené à bien que dans un espace propre, non inclus dans le milieu pénitentiaire.
-  6. L’actualisation du rapport SPS de 2012 réalisée à Andenne en juin 2014, aboutissant à la même conclusion.
-  7. Le rapport d’expertise du Dr D. (19.06.14) déposé dans le cadre du dernier renouvellement du RSPI qui conclut comme suit : il n’existe à mon sens aucune raison de lever un régime qui se trouve être avant tout dans l’intérêt de l’intéressé lui-même et de sa sécurité. Ce régime n’est à mon sens nullement en contradiction avec l’attribution de décision visant aux sorties ou aux congés pénitentiaires, voire à d’autres mesures encore.

Bref, assistants sociaux, psychologues, experts psychiatres, directeurs de prison et décisions de justice convergent pour exprimer la conviction suivante : l’objectif apparemment poursuivi par l’administration pénitentiaire de prolonger la détention afin de vérifier l’amélioration de la capacité de F. Bamouhammad à vivre sans accroc à l’extérieur n’est pas atteint.

Au contraire, le constat est patent : plus la détention se prolonge, plus elle abîme Monsieur Bamouhammad, renforçant les comportements indésirables et offrant ainsi, indirectement, une image négative d’une institution ne respectant pas assez l’homme.

Les avis sont unanimes qui concluent à la nécessité de sortir rapidement Farid Bamouhammad du carcan pénitentiaire en lui accordant des mesures progressives d’élargissement. Son maintien en prison représenterait désormais un risque plus important qu’une sortie bien préparée. L’hésitation ne porte donc plus sur la nécessité d’octroyer ou non une mesure mais bien sur le choix de la mesure la plus appropriée. Le TAP lui-même semble adopter ce point de vue.

Débouté en matière de CP, Farid Bamouhammad demande une PS afin de se rendre à Charleroi chez le psychothérapeute J.R. Cette demande s’inscrit parfaitement dans le cadre des avis ci-dessus mentionnés : une mesure d’élargissement afin de débuter un suivi psychothérapeutique en dehors du cadre pénitentiaire. Il demande quelques heures supplémentaires à passer avec sa maman (dont l’état de santé est précaire), sa compagne et la fille de cette dernière. Cela ne paraît nullement excessif.

Nul n’est en mesure d’assurer indiscutablement que F. Bamouhammad réintégrera l’établissement au terme de la mesure, qu’il ne commettra pas d’infraction grave et qu’il n’importunera pas les victimes. Mais nous avons développé dans le dernier avis relatif aux congés nos arguments permettant de relativiser ces risques. Ces arguments n’ont pas changé.

Monsieur Bamouhammad est bien conscient du fait que la réussite de PS lui ouvrira la porte d’autres mesures d’élargissement telles que congés pénitentiaires, surveillance électronique (examen par le TAP en septembre prochain) et libération conditionnelle.

Il faut rappeler à ce propos que, lors du dernier examen du dossier SE, le TAP attirait l’attention sur la nécessité que des PS/CP soient accordés (par la DGD) afin que le détenu puisse mettre en place les composantes d’un plan de reclassement susceptible d’aboutir ultérieurement à l’octroi de la mesure sollicitée.

Il est possible de sortir de ce qui ressemble actuellement à une impasse totale, à savoir la gestion de la détention d’un homme détruit par des années d’enfermement et les multiples frustrations accumulées. La nécessité s’impose de passer d’une perspective d’enfermement (et souvent d’isolement total) à une perspective de libération, afin d’éviter des conséquences personnelles et sociales graves.

Aujourd’hui, Monsieur Bamouhammad a opté pour une attitude témoignant d’une relative maîtrise de son impulsivité, privilégiant la résolution des problèmes via la médiation de la justice plutôt que l’agression physique.

Les avis sont unanimes qui indiquent l’absolue nécessité d’une soupape prenant la forme d’une porte qui s’entrouve, une permission de sortie. Un nouveau refus, entraînant un nouveau report de toute la procédure devant mener à la libération, constituerait une nouvelle frustration, considérable pour le détenu, mais également pour les personnels ayant la charge de son accompagnement. Ceux-ci formulent leurs avis en toute conscience et assument la responsabilité des expertises dont ils font rapport.

Pour l’ensemble de ces raisons ainsi que celles élaborées dans l’avis de CP du 23 avril 2014 (dont copie en annexe), j’émets un avis favorable à l’octroi des PS sollicités par Monsieur Bamouhammad, mais plus encore à l’octroi de congés (qu’il ne sollicite cependant pas ici).

Andenne, le 30 juillet 2014

Marc DIZIER, directeur