Dans Le Soir du 8 décembre, page 11

Tensions entre Farid et ses geôliers

DELEPIERRE,FREDERIC

Préavis de grève à Jamioulx (préavis levé depuis)

C’était le temps du renouveau. De la reconstruction. C’était à la fin du mois de septembre. Après une énième prise de bec avec certains de ces gardiens de la prison de Nivelles, Farid Bamouhammad était transféré à la prison de Jamioulx. Là, celui qui a séquestré une partie de sa famille au-dessus du café l’Albertine, près de la gare Centrale de Bruxelles en 2005, allait pouvoir revivre. On en est loin aujourd’hui. Un préavis de grève a même été déposé par certains gardiens pour le 23 décembre. Ils protestent contre le régime pénitentiaire de Farid.

« Je ne comprends pas, réagit Valérie, la compagne du détenu. Cette minorité d’agents conteste le fait que Farid a droit à des préaux, des visites, des communications téléphoniques, des douches. Or, il n’est pas en régime strict ou en quartier de haute sécurité. C’est donc normal qu’il bénéficie de tout ça. »

Le son de cloche est le même chez Marthe-Marie, la visiteuse de prison de Farid. Elle l’a d’ailleurs encore rencontré ce lundi. « Je crains pour sa vie. On a déjà vu des détenus succomber à des coups assenés par des gardiens. »

Et Marthe-Marie de poursuivre : « La date du 23 décembre n’est pas anodine : c’est une semaine de congés. Si cette grève a lieu, les autres gardiens vont en souffrir, de même que leur famille et les autres détenus. Il s’agit à travers eux de faire pression sur la direction, pour obtenir quoi ? » Farid Bamouhammad serait donc une monnaie d’échange. Un prétexte.

Contactée ce mardi, Christine Oliosi, la directrice de la prison de Jamioulx, ne partage pas cet avis. « C’est une large partie du personnel qui est mécontente. Ce n’est pas tant le régime qui est contesté que la façon dont Farid Bamouhammad le fait appliquer. Je ne peux pas dévoiler d’exemples mais il manque de respect envers les gens qui travaillent avec lui. Quand sa visiteuse est venue, il les a fait attendre, elle et les gardiens, pendant 45 minutes. Depuis son arrivée, il s’est aussi déjà rendu coupable de plusieurs explosions verbales. »

Farid a-t-il entamé une formation ? « Non, rétorque la directrice. Ça ne dépend pourtant que de lui. »

Mon commentaire. Farid manque de respect, dit Mme OLIOSI. Mais les gardiens le respectent-ils ? A-t-elle eu le temps de l’entendre avant cet interview ?

La visiteuse : c’était moi. Voici ma version. Je suis arrivée au parloir d’avocat vers 13H20. Ayant traversé le "contrôle" (style aéroport pour mémoire)que je ne pouvais plus repasser, après une demi-heure d’attente, je me suis adressée de loin à la surveillante pour lui demander ce qui se passait. Elle m’a répondu en effet que c’était Farid qui faisait attendre les gardiens ! J’ai continué d’attendre. En fait, Farid pensait que je venais à 14H. A 14H, il y a eu changement de pose. Finalement, Farid est arrivé vers 14H40, soit 1h20 après mon arrivée.

Quant à son souhait de se former, l’asbl attachée à la prison "Espace-Libre" s’est démenée, à sa demande, pour lui trouver une formation mais celle-ci devrait se poursuivre à l’extérieur de la prison, soit avec un bracelet électronique, soit parce qu’il serait libéré. En tout cas, Farid avait déjà commencé des formations en informatique et en langues jadis et il est désireux de continuer de se former. Nous recherchons d’autres solutions pour l’intérieur de la prison. Je suppose que le journaliste n’avait pas la place pour indiquer tout cela.

Dans la Gazette de d’Entre-Sambre et Meuse du 9 décembre

"Non, Farid n’est pas un détenu VIP !"

BOUDART PHLIPPE

Jamioulx, préavis de grève à la prison. Préavis levé depuis.

Les gardiens de Jamioulx refusent d’octroyer à Farid Bamouhammad les avantages qu’il réclame. Injuste pour les autres détenus,selon eux.

La liste de ses exigences est longue sinon, je pète un câble, je te mets la grève quand je veux ici.

  Le café : Farid refuse de boire le café de la prison. Chaque détenu peut faire des achats à partir de la liste établie par l’établissement pénitencier comme par exemple du café. La marque proposée sur cette liste ne convient pas à Farid, il revendique un café disponible uniquement au Colruyt.

  Le pain : Ce détenu considère que le pain n’est pas bon. Il n’accepte que les tartines emballées séparément dans la cellophane. Et encore, les gardiens ne peuvent pas toucher ses tartines.

  Les gardiens : Farid Bamouhammad ne s’entend pas avec un certain nombre de gardiens. Il refuse dès lors de les voir dans la section où il séjourne.

  Le téléphone : Farid est en principe soumis à un régime particulier. Il a été transféré de Nivelles à Jamioulx parce qu’il avait frappé deux agents. Pourtant, aujoud’hui, il peut déjà téléphoner à sa guise alors que, en principe, seuls les appels à son avocat sont acceptés.

  Les visites : pour les mêmes raisons que le téléphone, Farid n’a en principe pas droit aux visites particulières en chambre. Pourtant, il en bénéficie lorsque sa fiancée lui rend visite.

  Sa violence : depuis son arrivée à Jamioulx, plusieurs incidents sont à déplorer. Voici un mois, à la fin d’un entretien avec sa psychologue, il est entré dans un état de rage où il a cassé une porte-fenêtre.

  Son passe-temps : Farid consacre plusieurs heures par jour à la musculation. Lorsque la porte de sa cellule doit être ouverte, le règlement prévoit la présence de trois gardiens, minimum.

Les agents pénitenciers réclament que Farid Bamouhammad soit logé à la même enseigne que les autres détenus. Non, il n’est pas un détenu VIP. nous dit un gardien. Les gardiens ont engagé un protocope d’accord qui arrive à échéance lundi prochain. La CSC, elle, a déposé un préavis de grève pour le 23 décembre.

Mon commentaire. J’ai appris à connaître la prison d’une manière générale : Dans les conditions actuelles en Belgique, c’est effectivement un enfer : on connaît la surpopulation carcérale, le manque d’effectifs en termes de personnel pénitentiaire, les lacunes en matière de santé des détenus (dès leur arrivée), les manques de formation pour les gardiens et les détenus, de possiblités de travail payé pour les détenus, de moyens financiers (prison et détenus), de contacts affectueux, de reconnaissance, d’utilité..., de projets de réinsertion... et j’en passe certainement. Les efforts démesurés des asbl d’aide aux justiciables, des visiteurs de prison...