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      Les fonctions du Moi-peau. Tableau synthétique.
    Les citations sont extraites de D. ANZIEU (1923-1999), Le Moi-Peau, DUNOD, 1985
    Ecrit par Yann Leroux le 25-11-2004

Article trouvé sur le site "Psyapsy"

Maintenance

De même que la peau remplit une fonction de soutènement du squelette et des muscles, de même le Moi-peau remplit une fonction de maintenance du psychisme. La fonction biologique est exercée par ce que Winnicott (1962, p. 12-13) a appelé le holding, c’est-à-dire par la façon dont la mère soutient le corps du bébé. La fonction psychique se développe par intériorisation du holding maternel. Le Moi-peau est une partie de la mère - particulièrement ses mains - qui a été intériorisée et qui maintient le psychisme en état de fonctionner, du moins pendant la veille, tout comme la mère maintient en ce même temps le corps du bébé dans un état d’unité et de solidité. L’appui externe sur le corps maternel conduit le bébé à acquérir l’appuis interne sur sa colonne vertébrale, comme arête solide permettant de se redresser. Un des noyaux anticipateurs du Je consiste en la sensation-image d’un phallus interne maternel ou plus généralement parental qui assure l’espace mental en voie de se constituer un premier axe, de l’ordre de la verticalité et de la lutte contre la pesanteur, et qui prépare l’expérience d’avoir une vie psychique à soi. C’est en s’adossant à cet axe que le Moi peut mettre en œuvre les mécanismes de défense les plus archaïques, comme le clivage et l’identification projective. Mais il ne peut s’adosser à ce support en toute sécurité que s’il est sûr d’avoir par son corps des zones de contact étroit et stable,avec la peau, les muscles, et les paumes de la mère (et des personnes de son environnement primaire) et, à la périphérie de son psychisme, un encerclement réciproque par le psychisme de la mère (ce que Sami-Ali, (1974) a dénommé « inclusion mutuelle ». p. 121-122

Contenance

A la peau qui recouvre la surface entière du corps et dans laquelle sont insérés tous les organes des sens externes répond la fonction contenante du Moi-peau. Cette fonction est exercée principalement par le handling maternel. La sensation-image de la peau comme sac est éveillée, chez le tout-petit, par les soins du corps appropriés a ses besoins que lui procure la mère. Le Moi-peau comme représentation psychique émerge des jeux entre le corps de la mère et le corps de l’enfant ainsi que des réponses apportées par la mère aux sensations et aux émotions du bébé, réponses gestuelles et vocales, car l’enveloppe sonore redouble alors l’enveloppe tactile, réponses à caractère circulaire où les écholalies et les échopraxies de l’un imitent celles de l’autre, réponses qui permettent au tout-petit d’éprouver progressivement ces sensations et ces émotions à son propre compte sans se sentir détruit.

R. Kaës (1979a) distingue deux aspects de cette fonction. Le « contenant » proprement dit, stable, immobile, s’offre en réceptacle passif au dépôt des sensations-images-affects du bébé, ainsi neutralisées et conservées. Le « conteneur » correspond à l’aspect actif, à la rêverie maternelle selon Bion, à l’identification projective, à l’exercice de la fonciton alpha qui élabore, transforme et restitue à l’intéressé ses sensations-images-affects rendues représentables.p. 124

Echec : « A la carence de cette fonction conteneur du Moi-peau répondent deux formes d’angoisse. L’angoisse d’une excitation pulsionnelle diffuse, permanente, éparse, non localisable, non identifiable, non apaisable, traduit une topographie psychique constituée d’un noyau sans écorce ; l’individu cherche une écorce substitutive dans la douleur physique ou dans l’angoisse psychique : il s’enveloppe dans la souffrance. Dans le second cas, l’enveloppe existe, mais sa continuité est interrompue par des trous. C’est un Moi-peau passoire ; les pensées, les souvenirs, sont difficilement conservés ; ils fuient (voir ci-dessus l’observation d’Eléonore, p. 88). L’angoisse est considérable d’avoir un intérieur qui se vide, tout particulièrement de l’agressivité nécessaire à toute affirmation de soi. Ces trous psychiques peuvent trouver à s’étayer sur les pores de la peau »

Pare-excitation

La couche superficielle de l’épiderme protège la couche sensible de celui-ci (celle où se trouvent les terminaisons libres des nerfs et des corpuscules du toucher) et l’organisme en général contre les agressions physiques, les radiations, l’excès de stimulations. Dès l’ « Esquisse d’une psychologie scientifique » de 1895, Freud avait, parallèlement, reconnu au Moi une fonction de pare-excitation. Dans la « Notice sur le Bloc magique » (1925), il énonce bien que le Moi (tel l’épiderme : mais Freud toutefois n’apporte pas cette précision) présente une structure en double feuillet. Dans l’ « Esquisse » de 1895, Freud laisse entendre que la mère sert de pare-excitation au bébé, et cela - c’est moi qui l’ajoute - jusqu’à ce que le Moi en croissance de celui-ci trouve sur sa propre peau un étayage suffisant pour assumer cette focnction. D’une façon générale, le Moi-peau est une structure virtuelle à la naissance, et qui s’actualise au cours de la relation entre le nourrisson et l’environnement primaire ; l’origine lointaine de cette structure remonterait à l’apparition même des organismes vivants. p. 125

Echec :

Frances Tustin (1972) a décrit les deux images du corps qui appartiennent respectivement à l’autisme primaire et secondaire : le Moi-poulpe (quand aucune fonction du Moi-peau n’est acquise, ni celles du support, ni de contenant, ni de pare-excitation et que le double feuillet n’est pas ébauché), le Moi-crustacé, avec une carapace rigide qui remplace le conteneur absent et interdit aux fonctions suivantes du Moi-peau de s’enclencher. p. 126

Individuation du Soi

... le Moi-peau assure une fonction d’individuation du Soi, qui apporte à celui-ci le sentiment d’être un être unique. p. 126

Echec :

L’angoisse, décrite par Freud (1919) de l’ « inquiétante étrangeté » est liée à une menace visant l’individualité du Soi par affaiblissement du sentiment des frontières de celui-ci. p. 126

Intersensorialité

Le Moi-peau est une surface psychique qui relie entre elles les sensations de diverses natures et qui les faire ressortir comme figures sur ce fond originaire qu’est l’enveloppe tactile : c’est la fonction d’intersensorialité du Moi-peau qui aboutit à la constitution d’un « sens commun » (le sensorium commune de la philosophie médiévale) dont la référence de base se fait toujours au toucher. p. 127

Echec :

A la carence de cette fonction répondent l’angoisse de morcellement du corps, plus précisément celle de démantèlement (Meltzer, 1975), c’est-à-dire d’un fonctionnement indépendant, anarchique, des divers organes des sens.p. 127

Soutien de l’excitation sexuelle

Le Moi-peau remplit la fonction de surface de soutien de l’excitation sexuelle, surface sur laquelle, en cas de développement normal, des zones érogènes peuvent être localisées, la différence des sexes reconnues et leur complémentarité désirée. p 127

Echec :

Si l’investissement de la peau est plus narcissique que libidinal, l’enveloppe d’excitation peut être remplacée par une enveloppe narcissique, brillante, censée rendre son possesseur invulnérable, immortel et héroïque.

Si le soutien de l’excitation sexuelle n’est pas assuré, l’individu devenu adulte ne se sent pas en sécurité suffisante pour s’engager dans une relation sexuelle complète aboutissant à une satisfaction génitale mutuelle.

Si les excroissances et les orifices sexuels sont le lieu d’expériences algogènes plutôt qu’érogènes, la figuration d’un Moi-peau troué se trouve renforcée, l’angoisse persécutive majorée, la prédisposition accrue aux perversions sexuelles visant à inverser la douleur en plaisir.

Recharge libidinale

A la peau comme surface de stimulation permanente du tonus sensori-moteur par les excitations externes répond la fonction du Moi-peau de recharge libidinale du fonctionnement psychique, de maintien de la tension énergétique interne et de sa répartition intégrale entre les sous-systèmes psychiques (cf les « barrières de contact » de l’ « Esquisse » freudienne de 1895). p. 128

Echec :

Les ratés de cette fonction produisent deux types d’angoisse antagonistes : l’angoisse de l’explosion de l’appareil psychique sous l’effet de la surcharge d’excitation (la crise épileptique par exemple, cf. H. Beauchesne, 1980) ; l’angoisse du Nirvâna, c’est-à-dire l’angoisse devant ce qui serait l’accomplissement du désir d’une réduction de la tension à zéro. p. 128

Inscription des traces sensorielles

Le Moi-peau remplit une fonction d’inscription des traces sensorielles tactiles, fonction de pictogramme selon Piera Castoriadis-Aulagnier (1975), de bouclier de Persée renvoyant en miroir une image de la réalité selon F. Pasche (1971). Cette fonction est renforcée par l’environnement maternel dans la mesure ou il remplit son rôle de « présentation de l’objet » (Winnicott, 1962) auprès du tout-petit.

Cette fonction du Moi-peau se développe par un double appui, biologique et social.
-  Biologique : un premier dessin de la réalité s’imprime sur la peau.
-  Social : l’appartenance d’un individu à un groupe social se marque par des incisions, scarifications, peintures, tatouages, maquillages, coiffures et leurs doublets que sont les vêtements. Le Moi-peau est le parchemin originaire, qui conserve, à la manière d’un palimpseste les brouillons raturés, grattés surchargés, d’une écriture « originaire » préverbale faite de traces cutanées. p. 128

Echec :

Une première forme d’angoisse relative à cette fonction est d’être marquée à la surface du corps et du Moi par des inscriptions infamantes et indélébiles provenant du Surmoi (les rougeurs, l’eczéma, les blessures symboliques selon Bettelheim (1954), la machine de la Colonie pénitentiaire de Kafka (1914-1919) qui grave sur la peau du condamné en lettres gothiques, jusqu’à ce que mort s’ensuive, l’article du code qu’il a transgressé). L’angoisse inverse porte soit sur le danger d’effacement des inscriptions sous l’effet de leur surcharge soit sur la perte de la capacité de fixer des traces, dans le sommeil par exemple. p. 129