Comment puis-je décrire la dépression selon mon expérience ?
Grand mal-être. Migraines, insomnies, cauchemars, sexualité dormante, paniques, fatigue mentale, lassitude, sensation d’épuisement physique. Pas d’énergie.
Tristesse. Pas de motivation. Difficulté d’atterrir, de contact avec les autres. Je préfère rester dans ma bulle. Je me sens la plupart du temps incomprise, rejetée. Envie de mourir pour en finir.
Ce qui me tonifie ne dure pas. Comme s’il y avait quelque chose en moi que je ne peux pas identifier. Mémoire très très lente. Négligence en ce qui concerne l’identification et la satisfaction de mes besoins vitaux. J’ai froid et je ne fais rien pour me réchauffer. Je suis en attente. J’ai soif mais je n’en suis pas consciente.
Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur de ma première grande crise de dépression ?
L’Office National de l’Emploi à l’époque (fin 1999) a décidé de mettre fin à la "dérogation à titre exceptionnel" que j’avais reçue pour la mise en oeuvre de l’asbl RéAJC (Réseau-Association des Jeunes Consommateurs) : étant présidente de l’asbl, je ne pouvais pas selon la Loi à la fois recevoir des allocations de chômage et travailler bénévolement pour cette asbl. Ma manière de remplir mon besoin vital de "mission" , d’utilité, le sens de ma vie, et sans doute aussi mon besoin vital de reconnaissance, était anéantie. La crise a été si grave que je n’avais plus la force ni de soulever un aspirateur, ni même de lire... C’était comme si j’étais un corps vide. Je me sentais totalement handicapée. Et de plus, le sentiment de ne pas être comprise. Car rien physiquement ne semblait justifier mon état. Je me suis reposée. J’ai pris des médicaments.
Une solution a finalement été trouvée pour la poursuite de ces activités qui me permettaient d’exister, d’être utile : l’engagement comme bénévole par une autre asbl pour l’organisation du colloque : "Les jeunes et la consommation : le bien-être à quel prix ?" (2002).
Remontant dans le passé, j’ai réalisé que toute ma vie, j’ai ressenti à certains moments, de manière plus ou moins durable, ces symptômes. Ce qui a amené le médecin psychiâtre qui me suivait à diagnostiquer une "dépression endogène", c’est-à-dire une prédisposition intérieure.
Dès lors, qu’est-ce que la dépression endogène ?
C’est une maladie, comme le diabète ou l’alcoolisme,... une hypersensibilité qui ne peut pas être compensée par les "hormones" du cerveau (noradrénaline, sérotonine, acétylcholine et dopamine) lorsque la personne qui en souffre doit faire face à des épreuves répétées, à un stress durable.
Autrement dit, cette fragilité génétique (hypersensibilité) entraîne une carence d’origine chimique. Diagnostic uniquement clinique (ni machine, ni labo, uniquement humain). Peut-être cette personne aura-t-elle toujours besoin d’une béquille chimique, encore faut-il savoir laquelle, peut-être non. C’est la volonté qui est malade : comment pourrait-on la solliciter ? Il est possible aussi que quels que soient les efforts de l’entourage pour que la personne se sente mieux, ceux-ci soient vains. Il faut le savoir pour ne pas culpabiliser la personne malade et l’enfoncer davantage.
En ce qui me concerne : part génétique et parents pathogènes (bien malgré eux, cela va de soi). Désespoir avant 20 ans. Le plus fondamental des besoins : c’est exister aux yeux de ceux dont nous dépendons, comme enfant, pour nos besoins vitaux. (Etre adulte, c’est devenir autonome, c’est-à-dire pouvoir identifier ses besoins vitaux et les satisfaire adéquatement ; pouvoir demander à la bonne personne, au bon moment ce qui nous est nécessaire). Etre nié dans son être, être "de trop" quand on est enfant rend toute la vie difficile puisque cela signifie être poussé à mourir. Il s’agit d’une blessure de l’âme. Elle peut se guérir.
Eléments de vie déclenchants : déménagements, deuils, problèmes financiers...
2001 : Déménagement d’une grande maison (17 pièces) dans un appartement. Je case le "trop-plein" dans deux autres lieux. Nous aimons tant la nature. Nous prévoyons une "deuxième résidence" !
2002 : Colloque : "Les jeunes et la consommation : le bien-être à quel prix ?"
2003 : Déménagement dans un village du "Pays des Collines".
2004 : Décès d’une de mes soeurs en mars. Fin avril : déménagement de mes parents en home que j’organise et dont je m’occupe. Changement de Ministre à la Protection des Consommateurs : les subsides ne sont pas renouvelés. Je dois fermer le bureau à Bruxelles et l’installer dans ma maison où je manque de place. Dépression.
Fin 2004 : Rencontre du Dr D., médecin psyhiâtre comportementaliste.
2006 : Décès de mon père.
2007 : Décès de ma mère et d’Elise à l’âge de deux mois, ma petite-fille, la première fille de ma fille. Déménagement vers Lessines...
Quand une telle crise se passe, elle risque de se reproduire. Comme si l’ornière était tracée et attendait qu’on y retombe.
2008 : Rien à signaler comme événement extrême.
Début février, je passe un w-e en Grèce pour revoir mes amis à l’occasion de l’anniversaire de mon mari et de ma filleule grecque
Le 4 mars 2008, je décide d’être heureuse à chaque instant, de me faire plaisir. Je me pose la question de ce qui me ferait plaisir et je trouve aussi ma motivation pour le faire. Choisir ce qui me fait plaisir. Me limiter ? Ne pas chercher de résultat. Me concentrer sur le chemin à parcourir. Cueillir des satisfactions tout le long du parcours.
Je vérifie le bon état de mon cerveau avec une femme médecin neurologue réputée.
Je participe à des formations pour m’aider à mieux faire connaître mes sites, à mieux communiquer.
Je continue à chercher à travers l’intergénérationnel, contacte et rencontre une tante âgée, soeur de mon père,
m’initie au chamanisme auxiliaire de guérison,
fête le solstice d’été le 21 juin et termine la journée avec mon tambour dans un cercle de tambours,
participe à une "constellation familiale" (selon l’approche de Bert HELLINGER).
Je vivrai en juillet une semaine de semi-survie pour apprendre à me nourrir des plantes que je découvre dans la nature...
Suite au risque de "réveil" d’une ancienne relation destructrice, je veux comprendre et rencontre une thérapeute formée notamment par Marge REDDINGTON qui fait intervenir "l’observateur" en moi : rencontre déterminante par la prise de distance psychologique vis-à-vis de mon père. Je prends conscience que mon père symbolisé dans cette relation, et que j’adorais, m’avait laissé un héritage anti-vie. Il avait sa conception du bonheur dans un cadre moralisateur et l’imposait par amour. Etre moi-même, en particulier, créer, être une artiste et une femme autonome, c’était aller à l’encontre de son éducation, et dès lors m’obligeait inconsciemment à puiser démesurément dans ma réserve d’énergie.
Fin août, après une période d’adaptation (cela se fait progressivement pendant deux mois), j’arrête complètement les médicaments.
Début septembre, je pars avec mon mari pendant deux semaines faire du naturisme dans La Brenne (Parc naturel régional à 300 km en-dessous de Paris)... Deux semaines ensoleillées physiquement et moralement (bien que les nuits aient été glaciales).
Je me sens bien, heureuse. Je dors bien. J’ai une vie sexuelle normale. J’ai retrouvé une bonne énergie et j’ai pu installer dans ma vie une série d’activités qui satisfont des besoins vitaux dans un équilibre (besoins physiques, psychologiques, émotionnels, intellectuels et spirituels), nourrissent mon énergie parce qu’elles me réjouissent. Ma structure de vie s’améliore de jour en jour. Je gère. J’organise. Je décide.
Je suis capable de mettre en oeuvre presque tout ce dont j’avais rêvé depuis longtemps :
maigrir (avec WW),
exercice physique (aquarobic, genre aquagym en bassin de natation),
théâtre d’impro (mon clown se réveille mais j’arrêterai car physiquement trop éprouvant ;
j’envisage le théâtre mais c’était un projet prématuré,
piano et histoire de la musique,
apprentissage du dessin, de la peinture dans une école de promotion sociale,
iconographie...
Mon engagement religieux en cohérence avec ma foi critique est en bonne voie.
Je suis aussi nouveau membre du Conseil Consultatif des Aînés de ma ville (j’attends une première réunion).
Avec mon mari, je sors, je compte participer à des thés dansants car j’adore danser avec lui.
Comment suis-je arrivée à un tel résultat ?
Aide médicamenteuse et thérapeutique, revision comportementale, convergences de vie, d’enseignement, de prises de conscience...
Mon état de bien-être durable me convainc que je suis guérie.
Hélas, trois fois hélas, début décembre, alors qu’aucun événement ne la justifie apparemment rechute de dépression : reprise des médicaments (1/2 tous les deux jours) pendant quinze jours ; le 15 décembre : désespoir, envie de suicide. Reprise des médicaments (1/2 tous les jours)...
Que s’est-il passé ? Ai-je voulu trop en faire au-delà de mes forces ? Comment connaître mes limites ? Dois-je me les imposer par la volonté en attendant que mon corps autiste ait appris à m’alerter ? Suis-je condamnée à prendre des anti-dépresseurs toute ma vie ?
Depuis, je n’arrête plus les médicaments. A un moment donné (le 11 juin 2009), je passerai même à un comprimé par jour mais je ne le supporte pas (peu d’énergie, ressenti de grande fatigue) et le docteur me fait revenir à 1/2 par jour (le 28 juillet).
Le chemin continue. Je continue de chercher...
Qui comprend la dépression ?
Uniquement les personnes qui en souffrent, parfois les proches, et les personnes qui les soignent, les psy. Rares même sont les médecins généralistes qui comprennent cette maladie. Ils encouragent par exemple la mise en place de projets positifs, la distraction, se faire plaisir, etc.
Les personnes peuvent aussi ne pas vouloir comprendre pour se protéger. A elles, cela ne peut pas arriver ! Peut-être existe-t-il différentes formes de dépression qui entraînent cette confusion.
Remarque
L’alcool et la prise de médicaments anti-dépresseurs peut amener une contradiction au niveau du foie. Le médicament pourrait ne plus agir. Il est préférable de ne pas consommer de boisson alcoolisée, sauf le vin modérément.
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