Actes du Colloque
 
   
Préface de Jean-Michel Hennart
Marthe-Marie Rochet
Yamina Ghoul
1. Les jeunes et l’argent
2. Les jeunes et la publicité
3. Les jeunes et la santé
4. Les jeunes et les besoins vitaux
5. Les droits des jeunes consommateurs
Les ateliers de réflexions
1. Atelier les jeunes et l’argent
2. Atelier les jeunes et la publicité
3. Atelier les jeunes et la santé
4. Atelier les jeunes et les besoins vitaux
5. Atelier les droits des jeunes consommateurs
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      3. Les jeunes et la santé
    Laurence Kohn
    Chercheur à l’ULB-PROMES, Unité de Promotion et d’Education pour la Santé de l’Ecole de Santé Publique de l’Université Libre de Bruxelles
Résultats partiels de l’étude sur les comportements de santé des adolescents scolarisés en Communauté française de Belgique

Laurence KOHN (Aspirant FNRS), Florence PARENT, Yves COPPIETERS, Patrick de SMET, Danielle PIETTE et Laurence KOHN (Unité de Promotion Education Santé (ULB-PROMES) - Département d’Epidémiologie et de Promotion de la Santé - Ecole de Santé Publique - ULB)

Mon propos d’aujourd’hui sera de vous présenter quelques données sur les comportements de santé des adolescents en rapport avec la "consommation", thème de cette journée. Il s’agit de résultats partiels issus de l’étude que nous menons en Communauté française de Belgique depuis 1986, "Health Behaviour in School-aged Children" (HBSC).

La même étude est réalisée dans plusieurs pays d’Europe, selon un protocole international standardisé patronné par le Bureau européen de l’OMS. Elle est également menée en Communauté flamande par le Professeur Léa Maes de l’Université de Gent. L’étude sur les comportements de santé des jeunes est basée sur une enquête périodique, répétée au moins tous les 4 ans. La septième collecte est actuellement en cours. Un des objectifs de cette étude est d’assurer une approche globale de la santé des jeunes par la mise en relation de variables socio-démographiques (âge, sexe, statut socio-économique, etc.) d’une part, de déterminants des comportements de santé (environnement économique et social, famille, loisirs, connaissances, estime de soi, etc.) et les comportements et mode de vie en tant que tels d’autre part (comportements de protection, comportements à risque…). De plus, la répétition de la collecte des données de quatre en quatre ans permet de suivre l’évolution dans le temps des comportements de santé des jeunes. Le caractère international de l’étude permet quant à lui une comparaison géographique de ces mêmes indicateurs. Les résultats présentés portent sur les collectes de 1986 à 1998. Ils concernent des échantillons représentatifs des jeunes scolarisés, au niveau de la province, du réseau scolaire (Communauté française, Libre, CEPEONS) ainsi que de l’orientation : générale, technique ou professionnelle. Nous avons interrogé les élèves de la 5ème primaire à la 6ème secondaire à l’aide d’un questionnaire auto-administré en classe et selon un processus qui assure la confidentialité. Les échantillons depuis 1986 varient en fonction des directives du protocole international. En 1986, 3.593 élèves ont été interrogés. En 1998, ils étaient 12.987 à avoir complété le questionnaire. Les analyses ont porté sur l’ensemble des élèves participant depuis la première enquête, soit sur 43.000 jeunes environ. Les élèves sont âgés de 10 à 19 ans. Les taux qui vont suivre sont, sauf indication contraire, des taux standardisés pour l’âge, le sexe, l’année d’enquête et le type d’enseignement. Ces taux n’ont donc de valeur que comparés les uns par rapport aux autres, contrairement aux taux bruts qui reflètent la réalité d’une situation à un moment donné.

La consommation de tabac

Parmi les élèves interrogés en 1998, les prévalences brutes de tabagisme étaient : 68% ne fument pas actuellement, 20% fument quotidiennement, 6% fument chaque semaine et 6% fument moins d’une fois par semaine. Depuis 1990, on constate une augmentation des prévalences d’essai du tabac au cours de la vie chez les élèves : elles sont passées de 47% environ en 1990 à 57% en 1998. Les données concernant la consommation régulière de tabac (au moins une fois par semaine) amènent le même constat : le tabagisme est en augmentation chez les adolescents scolarisés, atteignant 25% d’entre eux en 1998 pour 14% en 1990 (taux standardisés). Ceci est confirmé par analyse logistique. Les enseignements de type technique et professionnel sont plus concernés par ce comportement que l’enseignement général. Les prévalences augmentent avec l’âge mais filles et garçons sont aussi nombreux les uns que les autres à fumer du tabac au moins une fois par semaine. Les fumeurs de plus de 20 cigarettes par semaine sont également en augmentation. Cet indicateur présente les mêmes caractéristiques que la consommation hebdomadaire de cigarettes décrite ci-avant.

La consommation d’alcool

La consommation hebdomadaire d’alcool semble stable au cours du temps chez les adolescents. L’alcool le plus consommé est la bière, puis le vin. Ces alcools sont plutôt consommés par les plus âgés, les apéritifs et cocktails concernant plutôt les plus jeunes. Par contre, les quantités consommées semblent en augmentation : la prévalence de jeunes qui boivent plus de 7 verres par semaine est passée de 20% en 1988 à 27% en 1998. Cette tendance à la hausse est également observée pour la consommation de plus de 2 verres d’alcool par jour. Ce comportement concerne les garçons plus que les filles, il n’augmente pas avec l’âge et est plus fréquent dans les enseignements techniques et professionnels que général. Un autre indicateur de consommation élevée d’alcool est le fait d’avoir été ivre au cours de sa vie. Ce phénomène est en augmentation par rapport à la première enquête. L’indicateur augmente avec l’âge des élèves.

Les drogues illicites

La drogue illicite la plus consommée en Belgique et en Europe est le cannabis. L’usage de ce produit est en forte augmentation depuis les années 1990 : les prévalences standardisées sont passées de 13% en 1994 à 24% en 1998 pour l’essai au cours de la vie. Cette forte augmentation en 4 ans reflète probablement d’une part une réelle généralisation du phénomène mais aussi d’autre part, une augmentation de la déclaration de ce comportement par les élèves, reflet de la banalisation de la consommation de ce produit encore illicite aujourd’hui. Les consommateurs réguliers de cannabis (au moins une fois par semaine) sont passés de 4 à 6% environ des adolescents interrogés. Les expérimentateurs de cannabis sont plus souvent les garçons et les élèves plus âgés. Ce sont aussi les élèves issus de l’enseignement technique et professionnel. Il est à noter que, dans la plupart des pays européens, les prévalences d’essai tendent à se stabiliser depuis 1998. Nous ne disposons pas encore des résultats de l’enquête de 2002 pour la Communauté française de Belgique mais nous pouvons nous attendre à ce même type de constat. La consommation d’ecstazy concernait environ 4% des élèves en 1994 et 6% en 1998. Elle est utilisée principalement par les garçons et l’essai de cette drogue augmente avec l’âge. Dans ce cas précis, l’âge "tardif" d’initiation est peut-être dû aux circonstances de consommation : l’ecstazy est surtout utilisée en discothèque dont l’accès n’est autorisé en général qu’à partir de 16 ans. L’enseignement professionnel semble être le plus concerné par ce produit. Nous trouvons les mêmes déterminants pour la consommation régulière d’ecstazy (au moins une fois par semaine) que pour l’essai de celui-ci : le sexe et l’âge. En matière de drogues, on constate un phénomène de poly-consommation de produits licites et illicites. Seuls 30% des élèves consomment uniquement de l’alcool, 6% uniquement du tabac et 1% uniquement une ou des drogues illicites. 43 % des garçons et 46% des filles interrogés ne consomment ni tabac, ni alcool, ni drogues et 6% des jeunes consomment les trois types de substances.

La consommation de médicaments

La consommation de médicaments semble stable dans le temps, du moins pour ce qui est des remèdes contre les maux de tête, la nervosité, la fatigue et "pour dormir". Par contre, le recours à une médication contre les maux d’estomac semble en croissance depuis 1988. La consommation de médicaments pour maigrir a été également observée. Elle a augmenté de 2% entre 1990 et 1998 passant de 4 à 6% (taux standardisés). Elle est surtout le fait des filles, n’augmente pas avec l’âge et se retrouve plus particulièrement dans l’enseignement technique et l’enseignement professionnel. Nous approchons les grands consommateurs de médicaments par l’indicateur "a consommé parmi les différentes familles de médicaments (maux de tête, ventre, estomac / nervosité fatigue, pour dormir / pour maigrir) au moins un de chaque produit au cours du dernier mois ou a consommé plusieurs fois le même type de médicament plus un autre". Les prévalences standardisées de "grande consommation de médicaments" montrent une légère tendance à la hausse au cours du temps mais cette tendance n’est pas confirmée par l’analyse multivariée. Cette dernière nous apprend que ce comportement concerne plus les filles que les garçons et les élèves de l’enseignement technique et professionnel par rapport à l’enseignement général. Si la prise de médicaments résulte certainement de caractéristiques individuelles et de facteurs socio-économiques, on peut s’interroger sur l’accessibilité de ces produits pour les adolescents et du rôle de la prescription médicale. En effet, à ces âges, les élèves ne décident pas toujours seuls d’avoir recours à une médication.

L’alimentation

Le fait de prendre un petit déjeuner le matin avant d’aller à l’école ne dépend pas toujours du choix de l’élève. Il reflète parfois l’organisation et la tradition familiale. En 1998, 64% des élèves interrogés prenaient un petit déjeuner tous les jours, 15% une à trois fois par semaine et 21% rarement ou jamais. La consommation de légumes et de fruits au moins une fois par jour a chuté de manière vertigineuse entre 1986 et 1998 : les prévalences passent de près de 90% à 70% pour les légumes et de 80% à 60% pour la consommation quotidienne de fruits. Les garçons sont moins nombreux à rapporter une consommation quotidienne de légumes. On ne constate pas de différences liées à l’âge et les élèves des enseignements techniques et professionnels se comportent "moins bien" dans ce domaine que ceux de l’enseignement général. Les prévalences de consommation quotidienne de frites, des boissons au cola, hamburgers ou bonbons sont en augmentation depuis 1986. Les garçons sont plus nombreux à déclarer boire des boissons au cola ou une autre limonade au moins une fois par jour, comparés aux filles, de même que les plus jeunes et les élèves du technique et du professionnel. La consommation de bonbons est également en augmentation et concerne plutôt les garçons. On ne constate pas de différences liées à l’âge ni à l’orientation scolaire. En conclusion, si la situation semble se dégrader, on peut se poser la question de savoir si cette tendance est particulière aux adolescents ou si elle ne fait que suivre ou refléter l’évolution de la société où adultes et parents adopteraient de moins en moins de comportements de santé "sains". La réforme de la médecine scolaire, plus axée sur la promotion de la santé, permettra peut-être d’enrayer ce phénomène chez les adolescents et permettra, du moins, d’approcher de manière globale la santé des élèves. Je vous remercie.

Le suicide des jeunes

Deux fois plus que les adultes, les jeunes tentent de mettre fin à leurs jours. A l’heure actuelle, en Région wallonne comme en Région bruxelloise, le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les garçons âgés de 15 à 24 ans après les accidents de la route, et la troisième cause chez les filles du même âge, derrière les affections cancéreuses

Source : Marthe-Marie Rochet in Journal du Droit des Jeunes n°194 - avril 2000

Sur un terrain fragilisé dans l’enfance vient se greffer l’exigence de notre société actuelle d’être performant, compétitif, adapté, ce qui risque d’accroître, chez le jeune, la perte de l’estime de soi et les situations de dévalorisation.

Source : Groupe belge d’Etude et de Prévention du Suicide A.S.B.L.

Référence : Piette D, Parent F, Coppieters Y, de Smet P, Favresse D, Bazelmans C & Kohn L. La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994 ? Comportements et modes de vie des jeunes scolarisés et en décrochage scolaire en Communauté française de Belgique (1986-1998).